samedi 20 juin 2015

Match Retour : pourquoi ce film est si sous-coté ?




Match Retour (Grudge Match en VO), une ode à la vieillesse.


C'est l'histoire de deux anciens boxeurs professionnels qui vivent une seconde jeunesse parce que le premier est très motivé pour éclater son ennemi qui lui a piqué sa copine ; et parce qu'au second il lui a été retiré pour toujours une chance de briller. 

Match Retour, c'est des vannes venues de l'espace et une vraie immersion dans la tête des deux boxeurs. Le facteur suspense est qu'il est difficile de savoir quel boxeur on veut voir gagner du début jusqu'au combat final. Car même si le gentil et le vilain sont bien démarqués, les deux ennemis ont une histoire atypique, des affects et quasiment aucune famille.

L'apparence d'un navet

Mais ce film a forcément fait des déçus vu que les deux acteurs principaux ont été aussi ceux des plus grands films de boxe : Raging Bull pour De Niro et Rocky pour Stallone. 

C'est sûrement pourquoi les créateurs de Match Retour ont préféré partir dans la comédie, voire dans la parodie plutôt que d'essayer de donner à ce film la profondeur scénaristique d'un Rocky, ou le côté encore plus dramatique du récent Rocky Balboa
Comme le montre la scène où Stallone s'apprête à taper dans de la viande comme sac de frappe, puis qui en est empêché par son coach comme pour lui rappeler que tout ça, c'est pas du sérieux. 

En apparence ce film tire sur la fibre de la nostalgie en se voulant être une comédie familiale de fin d'année. N’empêche qu'il y a du sérieux dans tout ça et un aspect réel auquel l'on peut tous se reconnaître. 


L'histoire de vies parallèles

C'est une fiction sur deux anciennes gloires dont la fortune est révolue. Un ferrailleur à l'usine et un commerçant entrepreneur qui fait concessionnaire auto et restaurateur, même comique de stand up comme pour revenir sous les projecteurs.

Les fans de la première heure de Stallone et de Niro ont surement été déçus parce qu'ils en espéraient beaucoup de ce casting. Mais les deux acteurs, aussi sur le déclin dans leurs carrières ont surement dû pas mal kiffer pendant le tournage à jouer des Monsieur Tout-le-monde.

Espoirs perdus ?

Ici y'a plus qu'un projet marketing, mais une envie de l'aile gauche de Hollywood de remonter le temps et de reconstituer les grandes heures de son cinéma à une époque où les grands talents trentenaires/quarantenaires se sont raréfiés. On peut compter sur les doigts d'une seule main des pointures comme Emma Stone, Tom Hardy, Matthew McConaughey... 
Le casting est immense, mais il en ressort un film de boxe respectable. En filigrane, on voit une confrontation inter-générationnelle, un peu plus stylée que ce que laisse transparaître la dernière chanson de Goldman, illustrée par le clash entre la montagne LL Cool J (d'ailleurs excellent dans le premier épisode de la saison 2 de Docteur House) avec le gras Bob De Niro (épique dans le méconnu L'Eveil) qui le maîtrisera à la roublardise. Le choc des générations saute aux yeux à l'écran en dénonçant un peu la complexité de notre société médiatique. Et ce de façon anachronique, comme si on voyait le Jake LaMotta des années 50 péter les plombs en public et se faire piéger par des smartphones le mettant au pilori sur youtube.


Hormis les têtes d'affiches, les seconds rôles sont délirants comme l'inattendu Kevin Hart, le vieux coach interprété par Alan Alkin et Jon Benthal. Ils jouent bien, ils jouent juste ; que ce soit le manager tchatcheur et vénal, le vieux coach gâteux de Razor - à la Mickey de Rocky - qui s'évade de sa maison de retraite et lâche son déambulateur pour entraîner son illustre poulain. Et le père célibataire, fils délaissé par Kid, qui réapparaît, non pas pour réclamer une pension alimentaire mais pour donner à ce dernier un second souffle et le dégraisser. Chacun de ces héros retrouvera une partie de sa famille pendant ce périple. Telle une morale façon Coelho : "c'est en se dépassant chaque jour qu'on renaît".

L'efficacité du jeu d'acteurs

Bien sûr, il y a une différence de niveaux d'acting entre les acteurs principaux qui est assez déconcertant pour le spectateur : entre Stallone nommé pour ce film aux Razzie Awards du pire acteur parce qu'il est infoutu de verser une larme pour les retrouvailles avec son ex, supposée être une scène forte en émotions. La raison est qu'il n'est pas non plus capable d'exprimer une émotion au travers sa face ultra-botoxée. 

Et de l'autre coté, De Niro. L'homme qui n'a jamais l'air de jouer ou de forcer son talent. C'est le genre de bonhomme à te faire passer à l'écran 150 pages de script et de dialogues pour une simple caméra cachée tellement son jeu est immersif
En même temps, ce rôle est l'histoire de sa vie...


Même si il aurait mieux valu avoir le Rocky du peuple de 1976 joué par Stallone. On aurait aimé entendre encore des phrases du style : "j'ai cogné dans la bidoche, j'ai trouvé ça assez extra". Mais cette carence de l'acteur principal en terme de prestance est comblée, notamment, avec le cliché de l'agent sportif flambeur héritier de l'avatar de Don King qui lâche des punchlines sorties de nulle part : "un octogone, on appelle ça un octogone puisque ce ring à 8 cotés. Et pourquoi un ring (anneau) alors que c'est carré ?". Ou "j'espère que tu ne m'appelles pas Arnold pour ma petite taille et ma couleur de peau mais pour ma joie de vivre". Le comique adulé en sa patrie, Kevin Hart, tient ses promesses et n'a rien à envier aux Steve Carell et Will Ferell.

L'oeil du tigre

Et visuellement, Match Retour n'est pas dégueu. Comme la très théâtrale chambre froide d'entrainement de Rocky qui est remplacée par une belle casse auto dans laquelle Razor travaille sa force en tractant des véhicules. Et lors du combat final, un gros plan génial, au ralenti, sur la tronche de Kid aka De Niro dont on voit les traits tirés tel un vieux coq défraîchi et épuisé par le combat de sa vie. Tout cela sur fond de The Heavy, dont le titre "What makes a good man" colle parfaitement à l'action. Mais on avouera qu'on reste loin de la playlist de Bill Conti qui a fait la légende d'une saga.

Entre le quotidien des anciennes gloires et le combat final dont on se demande parfois si il aura lieu, les personnages sont mis à l'amende. Ils connaissent le doute, la peur, la souffrance du training... Rien ne leur est épargné.

Pour le plaisir, on nous offre un caméo de qualité avec l'apparition de Evander Holyfield et Tyson pour un prélude de la revanche du siècle. 

Critique finale

Donc si il y a une chose que les fans de boxe ou de cinéma ne peuvent pas reprocher à ce film, c'est ne pas avoir su décrire à l'écran la passion pour un sport qui ne déplace plus tellement les foules depuis la retraite de Iron Mike. Mais comment empêcher de dire que Match Retour n'est pas stéréotypé à une époque où chaque dollar du combat  Mayweather/Pacquiao a été drainé par ses promoteurs ? Ce film, pour qu'il eut été irréprochable, aurait dû se faire en dehors du registre de la comédie. On l'aurait voulu plus sombre et moins léger. Match Retour aurait dû se faire en 2h15 pour prendre le temps d'énoncer le récit du passé des personnages et insister davantage sur une rivalité violente et moins cocasse entre deux has been, un revanchard, l'autre passif face à son destin mais tout aussi frustré par son passé. On l'aurait apprécié dans le genre dramatique ce Match Retour, faisant qu'il n'aurait pas dû s'appeler ainsi mais "Blueberry Lane", "Gold Standard" ou "Les combattants". C'est à dire un titre mystérieux à la Million Dollar Baby qui ferait qu'on ne sache pas à quoi s'attendre au moment d'insérer le Bluray dans le lecteur.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire