mercredi 29 novembre 2017

Pourquoi Jeremstar est meilleur intellectuel qu'Alain Finkielkraut

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Parmi les nombreux clivages qui existent en France, certains sont bien débiles.

Hier, on assistait encore à un bon vieux schisme luthérien sur fond de polémiques cinglantes à propos de l'antisémitisme. Aujourd'hui, on retrouve opposés "fachos" et "gauchistes", "conservateurs" et "progressistes", jeunes contre vieux, intellectuels et ingénus... Dans les villes et dans les campagnes, la pensée manichéenne cherche à s'imposer dans nos esprits. 

Mais dans le débat, n'importe lequel, lorsque chacun veut démontrer SA vérité, chacun ne souhaite-t-il en réalité imposer son diktat, sa vision des choses ?

Le plus tragique n'est pas d'émettre son opinion et de souhaiter qu'il s'impose aux autres, mais c'est de croire qu'une pensée est plus légitime qu'une autre. Par exemple, Alain Finkielkraut (AF) et Jérémy Gisclon (Jéremstar de son alias - JS). Leurs paroles ont-elles la même valeur ? Si non, pourquoi celle d'un licencié en philosophie en aurait-elle plus ? Le titre du sujet est-elle pertinente pour apprécier la rectitude de l'idée ?

La présence de ces deux personnages dans les médias est symptomatique d'oppositions bien stériles dans notre société.

L'un représenterait la nostalgie d'une époque passée, l'autre la candeur des temps présents ; l'âge et la jeunesse, le nationalisme et le mondialisme. Concrètement, Finkielkraut est un académicien ; Jéremstar est un blogger diplômé en communication. Les deux publient et commentent l'actualité. 

Donc sur un pied d'égalité ?

Tout semble les opposer mais les deux abattent leur labeur pour une chose, une seule : la gloire.

    Alors qu'il  se réclamait jadis de la gauche anti-raciste, aujourd'hui Alain F. se fait principalement le défenseur d'un patrimoine français, éternel et immuable. Son ouvrage majeur est "Défaite de la pensée". 

    Quant à Jérémy, il a écrit trois livres sur les coulisses de la téléréalité, dont une biographie riche d'une existence éprise des apparats. D'aucuns diraient qu'il fait commerce de potins de personnages de téléréalité, mais son oeuvre majeure est son blog haut en couleurs, disponible sur nombre d'internets.

N'empêche que des frasques de J. Gisclon ressort une véritable appréciation critique de la réalité. Une réalité bien sûr subjective, propre à son regard.

Car doit-on vraiment utiliser le jargon philosophique et se référer à des auteurs illustres pour philosopher  ?

Non semble-t-il, puisque la science est essentiellement dogmatique. Elle exclut ceux qui ne peuvent pas la comprendre. Comme Finkielkraut, "agrégé" de philosophie, autrement dit "un corps étranger incorporé dans un autre", il a reçu un brevet de ses pairs pour pouvoir créer concept. Mais force est de constater que sa puissance médiatique, sa visibilité pousse ce Finkie à divers abus, dont celui de tentant de penser pour nous, plutôt qu'à nous pousser à la réflexion. Ce qui est somme toute le but de la philosophie véritable.


I - Le relativisme de Finkielkraut et l'universalisme de Jéremstar

Pour AF, la France est le centre du monde. Notre Nation préexisterait à toute autre et surplomberait l'univers. Voici une autre idée de l'égocentrisme. Donc l'oeuvre d'Hugo serait supérieure à celle de Confucius ? 

Pour Jérem', pas question de se regarder le nombril sur mille générations. Il revendique son américanité, et chérit nos libérateurs de 1945, à qui l'on doit notamment le savon et les shampoings, ainsi que la glorieuse émission "Big Brother", "Paris Hilton à la campagne" et "les Kardashian". En somme, Jérémy glorifie la téléréalité aux balbutiements d'une société qui veut tout montrer. Tout, et à tout le monde.

A/ La vanité de Jeremstar est pleinement assumée 

La candeur de Jéremstar est si apparente qu'elle ne peut être que feinte. Ses onomatopées sont des de signatures.  Chaque "non mais je hurle", "salut mes vermines" et autres ohmygoderies font montre d'un sens de la comédie assez remarquable. D'origine d'une petite bourgeoisie sans grande prétention, il suit les codes de son milieu social, constellé d'une linguistique empreinte de néologismes que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître. Telle circonstance ne peut être que révélateur d'un choc générationnel avec son aîné.

B/ La fatuité de Finkielkraut est à peine dissimulée

Finkielkraut, grand influenceur des hommes de droite, il a la mainmise intellectuelle sur nombre de décideurs. Alain vit un destin marqué par un fort atomisme. Né pour étudier, né pour réussir, il sait que la formule de la pérennité du succès repose sur reproduction sociale. Ainsi, il tente d'éveiller la conscience de caste du lecteur moyen du Figaro qui, en lisant l'édito hebdomadaire du philosophe, se dise "mais bien sûr, il faut défendre la vieille France et repousser les barbares !". Alors la vieille caste bourgeoise et héritière se mobiliserait pour conserver ses privilèges de caste (bons habitats, accès aux meilleures écoles, à "l'optimisation fiscale"...). La génération "d'avant" que représente AF est mourante et conservatrice, et son seul moyen de survivre est de transmettre la nostalgie. Les enfants se montreront donc particulièrement sensibles aux convictions de leurs parents et les recevront favorablement pour éviter le déshonneur du rejet familial. Ainsi se crée la reproduction mortifère de l'instinct de caste. Cela sous l'influence seule de quelques penseurs médiatiques. Or, l'influence n'est guère le but de la philosophie. Et cela, Jéremstar l'a très bien compris.


II -  Un pessimisme surjoué contre une jovialité béate mais sincère

La philosophie est dévoyée par ses propres chantres. La finalité de la philo est moins de convaincre que de faire réfléchir. C'est bien le règne de la doxa (sophisme) que la science de la raison (philosophie) se veut combattre. La doxa, cela se réfère à la médiocrité ambiante des masses de gens, adeptes de tous les présupposés et grands allergiques à l'analyse. La doxa est le règle du "moi je pense ça, même si ça n'a rien à voir avec le réel, mais ça me plait de penser ainsi".

A/ Une philosophie monnayée contre une distraction populaire sans complexe

AF est plus pessimiste que le plus pessimiste de tous les philosophes. Mentionnons cependant Arthur Schopenhauer qui énonçait que la souffrance est notre condition, et qu'il est de tous les mondes possibles, même le plus mauvais. Mais Finkie est-il pire ? Oui, c'est le même, mais en moins bien. Notre star des plateaux, contrairement au philosophe allemand, racialise, communautarise les souffrances. Il en va ainsi de sa fameuse distinction "racisme anti-blanc" versus "racisme ordinaire". AF fait ainsi vibrer un fibre patriotique à des fins principalement mercantiles. C'est le fameux "jouer sur la peur pour vendre". Pourquoi ? Pour la gloire, encore une fois. Parce que loin d'être le porte-étendard d'une partie oubliée de la population, il soutient ses intérêts individuels, dont son épargne personnelle, plutôt que ceux de qui il prétend représenter.

Tandis que JS, même thuriféraire notoire du dieu Argent, aime surtout la vie telle qu'elle est. En cela, il a une position hautement nietzchéene. Jeremstar promeut un divertissement grand public, et éveille au quotidien la "volonté de grandeur" des candidats de téléréalité. Pour lui, la souffrance n'est pas une condition, et le bonheur ne cesse pas au moment où l'on se met à désirer. Le bonheur est à la portée de tous, et ce en faisant ce que chacun a envie, et même en se ridiculisant. A ce titre Nietzsche disait que la volonté de puissance ne génère pas du bonheur mais du plaisir. M. Gisclon conçoit donc que l'idéal de bonheur durable entre en contradiction avec la fatalité selon laquelle la vie est brève.

De plus JS est mieux apte au "penser contre soi" puisqu'il est le premier à critiquer ce qui fait sa fortune : les producteurs de télévision. Il les décrit volontiers comme des rapaces qui recrutent les participants un peu bas du front dans les régions les moins alphabétisées. Ces participants sont alors infiniment perméables au désir de se montrer à tout prix, et d'en montrer un peu trop ; et ils sont surtout très tentés par la réussite rapide et facile. Or la volonté de grandeur conduit nécessairement à l'anéantissement progressif du Soi, et Gisclon le sait très bien.

Comme évoqué, AF détourne la philosophie de sa finalité. Sa conception de la réalité se veut comme indéniable et sans nuance possible : - Oui, "il existe un pan de la population impossible à assimiler à la communauté nationale". - Oui, "l'antisémitisme latent des gardes forestiers aveyronnais est une réalité". Mais la très pédante attitude dont fait preuve AF dessert indubitablement sa démonstration. Cela dit, toute science a ses charlatans et ses thuriféraires. A contrario, Jeremstar le saltimbanque cultive sa philosophie avec discrétion et parcimonie.

B/ Le rapport complexe entre philosophe et la réalité

Le philosophe doit-il se fonder sur des statistiques pour légitimer un propos ? Assurément non. Il n'est pas sociologue, et son seul vécu et ses observations du monde suffiraient. Tout le travail du philosophe ne semble tenir qu'à la manière d'exprimer sa pensée et aux auteurs qu'il invoque. Donc une vue d'esprit, ou une réalité partielle pourrait fonder un concept, une idée. Ce qui est encore plus dangereux lorsque cette idée est teintée d'une idéologie quelconque. 

Or, AF se réfère toujours à ses origines religieuses et à son passé familial. Pourquoi pas. Mais ce n'est pas le fondement ancestral de la philosophie. La philosophie est étymologiquement liée à l'amour, au coeur, à la sensibilité de chacun dans son rapport au monde. Alors le philosophe doit être assez en retrait vis à vis de son histoire pour pouvoir parler à tous. La réalité n'est pas qu'une "représentation" comme dirait Schopenhauer, non pas une image abstraite pour un penseur. Et dans un monde où chaque avis se vaut, n'importe qui peut produire du concept. 

A ce titre, JS développe sa philosophie et offre sa vision de la société qu'il déclame dans la presse. Il en ressort significativement que pendant la présidentielle de 2017, il n'a pas souhaité donner son avis sur les candidats pour laisser à chacun la liberté de son opinion. Et au regard de son influence d'influence qu'il est, Jerem a fait acte d'abnégation et de grande philosophie en renonçant à exercer un tel pouvoir. Ce brave Jérémy ne vit donc pas dans un téléviseur. Il est conscient des futilités des temps modernes, et il en tire profit avec force passion. Sa philosophie est celle du bonheur, celle encline à favoriser le besoin de se reproduire ; l'envie de pérenniser l'espèce. À l'inverse, dès lors que la philosophie est pratiquée comme l'action de distiller des idées contagieuses et de les incruster dans les esprits, on peut dire que le pensée décliniste et dépressive d'AF présenterait comme désordre de tuer tout espoir de création. 

En définitive, Jéremstar, ce penseur qui s'ignore est bien l'égal de Finkielkraut, son collègue de la médiasphère. Il a une véritable capacité à toucher les gens et à contempler les faits de société comme une réalité susceptible d'analyse. Il ne se cache pas non plus dans une posture d'utopiste, ni n'essaye de façonner un monde à son image. Il prend la réalité telle qu'elle est, et répugne le pessimisme et l'esprit de défaite ; et pour lui, qu'importe le moyen, chacun doit concourir - comme il l'entend - à son bonheur.

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